Le Kiosque
Le Kiosque à musique
Chacun a dans sa mémoire le kiosque à musique de son enfance (du turc « kiouchk », pavillon de jardin), ordinairement circulaire, ouvert de tous côtés et doté d’un toit en dôme supporté par de fines colonnes, et qui ornait soit le jardin public, soit la place – comme à Oraison.
Semblables constructions, vestiges du temps où la musique était facteur d’harmonie, firent leur apparition en Europe au XVIIIe siècle et devinrent rapidement des éléments habituels de décoration au XIXe et au début du XXe. Inspirées de l’architecture persane, elles apportaient la touche d’exotisme tant recherchée à l’époque. Elles avaient pour fonction de recevoir les orchestres venus donner des concerts publics. On y jouait des marches militaires mais aussi des airs à la mode, mazurkas et quadrilles. Aux musiques guerrières succédèrent les compositeurs classiques, Bizet, Rossini. Devenus muets, éteints tels des réverbères, tout juste pittoresques, les kiosques ont vécu. Dans certaines villes, ils ont été sacrifiés et détruits, victimes le plus souvent des atteintes de la vie moderne, quand les espaces libres se transformèrent en parkings.
A Oraison, sur la grande place Clément Plane – anciennement place du Jet d’eau- fut érigé l’un de ces kiosques à musique. Avant 1900 (le département s’appelait alors Basses-Alpes), se trouvait là une jolie fontaine, décorée de sculptures. Pour empêcher les animaux de venir souiller l’eau, elle était entourée de grilles en fer forgé.
Hélas, dans les années 1910, le centre de la fontaine tomba. Ce furent, dit-on, le froid et le gel qui causèrent sa perte. Il ne restait plus qu’un petit bassin de forme hexagonale entouré de grilles sur les pointes desquelles, en 1922, des enfants qui jouaient se blessèrent. Cela posa problème à la communauté.
On se résolut donc à démolir le bassin et à construire à la place un kiosque à musique. La décision fut soumise aux votes lors de la séance du conseil municipal du 11 octobre 1925 présidée par le maire Victor Gérard qui déclara : « Cet ouvrage bien conçu sera un ornement pour la place et mettra en relief le rond-point, au milieu duquel il sera installé ».
Le montant de la construction, évalué à 5000 francs, fut prélevé sur le crédit de 20 000 francs, porté au budget pour les travaux d’assainissement. Bâti en béton armé, à la place du jet d’eau, le kiosque fut inauguré en grande pompe par la fanfare d’Oraison au printemps 1926. Combien de fois, avons-nous assisté aux manifestations musicales qui se déroulaient là, à la plus grande fierté des oraisonnais ?
En 1992, le vieux kiosque, patrimoine architectural et culturel de l’entre-deux-guerres, vétuste et déclaré dangereux, car il menaçait de s’écrouler, fut livré aux mains des démolisseurs. C’est avec un brin de nostalgie, que beaucoup d’oraisonnais ont assisté à la destruction du monument cher à leur cœur.
Mais, tel le phénix, il va renaître de ses cendres, encore plus beau, plus fonctionnel. Il a été décidé d’aménager en demi sous-sol le socle du nouveau kiosque en un local communal qui abritera l’office de tourisme, et sur la partie supérieure, apparaîtra le nouvel édifice qui, par sa structure légère et élancée, rappellera le volume et la silhouette de son glorieux ancêtre.
L’aménagement de la place réunit depuis cette date, en une seule surface les allées Léon Masse et l’espace autour du kiosque. Les platanes existants, qui datent des années 1900, (plantés sous la municipalité d’Auguste Siaud), ont été remplacés par des arbres plus jeunes (des micocouliers) placés en périphérie, ce qui dégage un espace plus grand encore.
Délibération CM du 14.09.1992 travaux Kiosque
Beaucoup d’Oraisonnais regrettent encore leur ancien kiosque, et le rond-point qui permettait de faire le tour de la place. Le nouveau, reconstruit avec des matériaux modernes, dans un style comparable, mais plus gracile, n’accueille plus le quadrille des lanciers, mais a d’abord abrité en sous-sol l’office de tourisme (aujourd’hui situé 9 allées Arthur Gouin). Les locaux ont ensuite été occupés par la police municipale (jusqu’à son déplacement place du Colonel Frume) et sont aujourd’hui vides. Cette partie en sous-sol, qui ne peut plus recevoir de public, sert désormais d’entrepôt aux services techniques.
Le kiosque à musique se prête de nouveau à toutes les manifestations musicales d’aujourd’hui : chorales, jazz-bands, ensembles symphoniques, orchestres populaires… pour le plus grand plaisir des Oraisonnais.
Claude Sauve, 1998